Hello hello !
Bienvenue dans cette 59e édition de Toutes Puissantes ! Nous sommes 3503. Que tu sois une lectrice assidue ou une nouvelle abonnée, merci d’être là. C’est un plaisir de partager cet espace avec vous toutes.
J’ai fait une pause de 1 mois, le temps qu’il m’a fallu pour être prête à écrire ce numéro.
J’ai peur, mais j’y vais quand même.
C’est parti !
Si tu me découvres, voici les liens importants pour apprendre à me connaître et aller plus loin :
Lire les témoignages de mes clientes.
Découvrir comment travailler ensemble en individuel, ou via le Club de Pouvoir.
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Au programme
Story time
Acte 1 - La sidération
Acte 2 - La prise de conscience
Acte 3 - Le coup de massue
Acte 4 - Le coup final
Acte 5 - Le calme après la tempête
And now, what?
1. Story time
8h du mat', un lundi de janvier. Mon téléphone explose de messages d'inconnus (reçus en pleine nuit). 😱 Que faire face à ça ? 👇
Cette avalanche de messages Whatsapp d'inconnus n'était que le début d’un cauchemar :
💩 Avis Google diffamatoires
💩 Photos non sollicitées 🙈
💩 Appels nocturnes sur mon numéro pro
Et puis viendront le 1er ban LinkedIn, la découverte de l’usurpation de mon identité sur un site de rencontre, le 2e ban linkedIn, et j’en passe.
Une vague de cyber-harcèlement dont l’impact direct durera 15 jours.
Et l’impact indirect continue jusqu’à présent.
4 mois se sont écoulés.
4 mois pour digérer.
4 mois pour trouver la force de partager les coulisses.
Je me sens prête à vous livrer ce que je n'ai jamais partagé :
• Le récit brut, étape par étape
• Mes émotions les plus profondes
• Les points de vigilance
Ce numéro de newsletter, je le reporte depuis plus d’un mois.
Le plus difficile à écrire.
Mais aussi celui où je me livre le plus.
🎙️ BONUS : Écoutez dès maintenant mes conseils de prévention et de gestion en 10 minutes chrono dans le dernier épisode du podcast "Toutes Puissantes".
2. Acte 1 - La Sidération
Quand je découvre la première salve de messages, les appels, les faux avis, je suis sous le choc.
Partagée entre une forme d’incompréhension et d’incrédulité face à des choses si nouvelles, inattendues et inconcevables.
Les questions se bousculent dans ma tête :
Qu’est-ce qui est en train de se passer ?
D’où ça sort ?
Combien de personnes sont impliquées ?
Et très vite, je ressens de la peur.
Face à la quantité de messages, je me sens seule face à une meute.
Je ne sais pas s’ils se connaissent, s’ils sont organisés, s’ils en ont après moi.
Mais mon premier réflexe, c’est de m’imaginer le pire.
(Heureusement, ce n’était pas le cas)
Par conséquent, face à ces scénarios catastrophe, j’enclenche le mode survie.
Je me demande si nous sommes en sécurité, ma famille et moi.
Je checke mentalement :
Le numéro touché est mon numéro pro. Au pire il me suffit de l’éteindre ou le changer. ✅
Mon numéro perso n’est pas visible sur Internet. ✅
Mon adresse n’est pas visible sur Internet, donc personne ne peut me trouver. ✅
Mes filles ne portent pas mon nom de famille, donc elles sont hors de portée. ✅
Une fois ces checks validés, je suis prise de l’envie de me cacher sous ma couette.
Mais j’ai énormément de boulot : le lendemain je prends le train pour Paris pour animer jeudi le séminaire de départ de la nouvelle cohorte du Club de Pouvoir.
Ces impératifs pro me donnent un coup d’énergie.
Et je me ravise.
Au lieu de me renfermer, je décide d’en parler très vite à mon cercle de soutien : mon groupe de meufs sûres, qui partagent un socle de valeurs communes.
3. Acte 2 - La prise de conscience
Même si je suis familière du concept, et consciente des risques que j’encours au vu de mes prises de parole, je mets du temps à conscientiser ce que je vis vraiment.
Pendant les premières heures, je minimise.
Je me dis que ça ne peut pas être ça puisque je me sens en sécurité, que ce n’est pas “si grave”, ce ne sont que “quelques” messages.
En parler me permet de mettre des mots sur ce que je vis : un cyber-harcèlement.
Parce que ces messages viennent s’ajouter aux dizaines que j’ai déjà reçus sous le fameux post qui a buzzé.
Nommer ce qui m’arrive m’aide à reprendre le contrôle.
Je screenshote chaque pièce à conviction. Chaque message, chaque avis diffamatoire, chaque appel. Je garde une trace de chaque élément du dossier.
Au début, je le fais “au cas où”.
En m’ouvrant, mes proches me parlent de porter plainte au commissariat.
Je dois ouvrir une parenthèse pour expliquer que, en tant que femme, racisée, maghrébine, musulmane, qui a vécu sous la dictature policière de Ben Ali en Tunisie, rien que l’idée de me rendre dans un commissariat de police me terrorise.
Je n’y ai jamais mis les pieds.
Je stresse quand je croise un flic.
Je change de trottoir quand je passe devant un commissariat.
Bref, l’idée d’aller porter plainte ne m’avait jusque là même pas effleurée.
Et quand on m’en parle, mon réflexe est de rejeter cette pensée : mais noon c’est pas si grave. Et puis à quoi ça servirait ? Je n’ai aucune info à leur transmettre. Ils n’en feraient rien de ma plainte. Ce serait une perte de temps…
Autant j’exclus d’emblée l’idée de porter plainte, autant je prends conscience qu’il ne faut surtout pas que je reste silencieuse à encaisser seule, mais qu’il faut plutôt en parler, et montrer ce que je vis.
C’est ce que je fais dès le lendemain matin, mardi, dans un post LinkedIn qui dénonce, photo à l’appui, ce que je suis en train de vivre.
4. Acte 3 - Le coup de massue
Mais là, le cauchemar continue : 13 minutes après avoir publié mon post, LinkedIn me bannit et ferme mon compte.
À ce moment-là, je suis dans le train, en direction de Paris.
Je le vis comme une énorme trahison de LinkedIn, et comme une silenciation de la parole des victimes.
Je le vis comme un coup de poignard.
C’est très dur.
D’autant plus dur que moins d’un mois auparavant, c’est mon amie féministe Jasmine Touitou qui s’était fait bannir. Et pour être en contact avec elle, je savais qu’elle avait abandonné tout espoir de retrouver son compte. (elle finira par récupérer son compte LinkedIn grâce à ce qui m’arrive… comme quoi)
J’ai l’impression d’être punie pour avoir dénoncé en tant que victime ce qui m’arrivait.
Ça me donne, même à une échelle minuscule, un avant-goût de ce que qu’ont vécu Florence Porcel, Adèle Haenel, et tant d’autres femmes courageuses, qui, en osant dénoncer les violences dont elles ont été victimes, ont été silenciées, licenciées, ostracisées, voire mises au ban de leur industrie.
Avec le recul, je réalise avoir parfois ressenti à leur égard une forme de lassitude ou d’inconfort.
Je projetais en fait sur leur personne :
1- l’inconfort d’un système qui préfère taire les voix dissonantes plutôt qu’accepter de se remettre en question.
2- l’inconfort que je ressentais vis-à-vis du sujet qu’elles évoquaient.
Ce que je vis à ce moment-là est une mise en abîme à la fois écoeurante et fascinante :
de mon propre travail,
de tout l’inconfort qu’il évoque auprès de tant de personnes (celui-là même que j’avais ressenti envers d’autres femmes),
de ce que mon travail représente à l’intérieur de notre système,
et de ma propre place dans ce système.
Face à ce que je reconnais comme une réponse systémique et injuste à mon encontre, je décide de m’entourer d’une avocate.
Je la trouverai grâce à mon réseau de meufs sûres, qui m’apportent dans ces heures un soutien très précieux.
En parallèle, un des messages de drague que je reçois (car je continue d’en recevoir) me donne une piste intéressante en citant le site de rencontre d’où il me connaît.
Je décide de prendre les choses en main et de mener l’enquête.
Grâce au soutien de mon avocate, je dépasse ma peur et mon dégoût, et je contacte plusieurs des hommes qui m’ont fait des propositions sur Whatsapp, pour en savoir plus.
Cela me permet de comprendre que j’ai été victime d'usurpation d’identité.
Un profil sur un site de rencontre a été créé, avec mes photos et mon nom, et une personne malveillante a échangé avec des hommes, en plein milieu de la nuit, et les a invités à poursuivre l’échange par téléphone, en communiquant mon numéro pro (qui était visible sur Internet).
Les hommes qui m’ont contactée ne se connaissent pas, et ne cherchent pas à me nuire.
Ils ont été appâtés par des promesses sexuelles explicites.
(Ça reste glauque, mais ça a le mérite de me rassurer un peu)
5. Acte 4 - Le coup final
Mercredi, un nouveau lot de mésaventures m’attend.
D’abord, une pluie de nouveaux avis négatifs sur Google.
Puis, un email intriguant.
C’est un site de chat qui m’écrit pour faire état d’une nuisance à mon encontre : une personne a utilisé leur site afin d’inciter à aller me mettre des avis négatifs. Ce site de chat me communique également les données de la personne qui me harcèle.
Cet email change la donne pour moi.
J’ai à présent une avocate, des pièces à conviction, et des données pour identifier la personne malveillante.
Ma décision est prise : I’m gonna light this motherfu**er up! (référence à l’excellent spectacle “The King’s Jester” de Hasan Minhaj)
J’envoie les infos à mon avocate, et je lui donne le feu vert : déposer plainte au commissariat, et porter plainte auprès du Tribunal. C’est elle qui s’en chargera pour moi.
Je ne le sais pas encore, mais ce jour-là je récupèrerai mon compte LinkedIn.
La semaine suivante il sera à nouveau banni, pour plusieurs jours, jusqu’à l’intervention de mon avocate. Elle devra à nouveau intervenir car je suis shadow-banned par la plateforme pendant plus d’une semaine, ce qui aura un impact négatif considérable sur ma visibilité et mon travail.
Finaliser la plainte prendra plus d’un mois.
Mon adresse privée sera publiée en ligne par le site Pappers, lors de la création de ma nouvelle structure. Et la faire retirer prendra plus de trois mois.
Google refusera de retirer les avis diffamatoires à mon encontre.
6. Acte 5 - Le calme après la tempête
Ce que personne ne nous dit, et que j’ai mis des mois à comprendre, c’est qu’une fois qu’on retire le couvercle, l’eau ne s’arrête pas de bouillir instantanément.
Même une fois la vague passée, et après avoir récupéré mon compte LinkedIn, durant des semaines (des mois), j’ai continué de ressentir l’impact de ce que j’avais vécu.
Un rien m’irritait, et j’étais constamment sur la défensive, surtout dès qu’il s’agissait de ma communication sur les réseaux.
J’étais en hyper-vigilance, limite parano.
J’ai eu beau avoir à ma disposition des outils de coaching très puissant (et heureusement !), j’ai douté de moi, de mon message, de ma manière de communiquer, de mon ton, de mes partis pris.
Et chaque remarque, chaque critique, que j’ai reçue pendant cette période, même constructive, même liée à autre chose, m’a fait encore plus douter.
En parallèle, j’ai très peu partagé là-dessus.
Je me suis cachée derrière une carapace, et j’ai très peu osé montrer ma vulnérabilité. Ça m’a coûté en énergie, et ça m’a déconnectée de ma communauté, d’une certaine manière.
J’ai reçu énormément de messages de soutien, et parfois même cette vague d’amour m’a submergée. L’idée de devoir répondre à chaque personne comme étant la moindre des choses. (finalement je ne l’ai pas fait)
Nerveusement et physiquement j’étais épuisée.
J’ai stoppé net le sport pendant trois mois.
J’avais tout le temps envie d’être dans mon lit.
Et le pire, c’est que je ne comprenais pas que c’était normal, et je culpabilisais en me disant : tu devrais aller mieux, tu n’as plus aucune raison de te sentir comme ça. Va de l’avant et arrête de te morfondre.
Aujourd’hui je pense que c’est un passage obligé, et, même si je sais que je ne suis pas complètement de l’autre côté, le simple fait d’en parler ouvertement me fait dire que le plus dur est derrière moi.
Un autre détail intéressant, a été cette forme d’amnésie sélective que j’ai développée, vis-à-vis de tout ce qui touchait à cet épisode.
C’est surtout mon avocate qui en a fait les frais : je voyais ses emails. Je les lisais.
Je me disais “j’y répondrai tout à l’heure”.
Puis je l’oubliais.
Elle et ses emails.
Comme si tout ça n’avait jamais eu lieu.
Pendant un temps, j’étais dans une sorte de course pour mettre tout ça derrière moi, un peu comme on engloutit une glace qu’on culpabilise d’avoir achetée.
Aujourd’hui, j’essaie d’accepter l’idée que tout ça est en moi, et que ça y restera. Ce afin de vivre pleinement mes ressentis et les laisser me traverser, plutôt que d’essayer de les fuir, comme je l’ai fait jusque-là.
7. And now, what?
J’aimerais être en mesure d’apporter des conclusions lumineuses. Mais pour le moment, j’ai plus de questions que de réponses. Et j’ai décidé de ne pas attendre d’en avoir les réponses pour les partager, parce que si je me les pose, c’est que d’autres se les posent aussi, et parce que je crois que je ne veux plus porter seule le poids de ces réflexions.
En vrac, voici mes prises de conscience, mes réflexions et mes question :
Le trauma (qu’il s’agisse de harcèlement, cyber harcèlement, violence subie ou autre) dure bien après la fin de l’épisode. Pourtant nier la souffrance post-traumatique des victimes est tristement banal, même de la part des victimes elles-mêmes.
Quel rôle jouons-nous, individuellement et en tant que société, à la silenciation des victimes ? Comment pouvons-nous mieux accueillir leur vécu et leur témoignage ?
Le cyber-harcèlement est une vraie menace, surtout pour les femmes, surtout chez les jeunes. Je suis adulte, j’ai un capital financier, social et intellectuel. Et ça m’a mise dans cet état. J’ose à peine imaginer l’état dans lequel ça peut mettre une jeune femme ou un.e ado en pleine phase de construction. Et rien (ou si peu) n’est mis en place pour protéger les plus exposées à ce fléau. Qu’attendons-nous ? Que ce soit notre fille ?
En vrai, je ne saurais même pas par où commencer. Comment pouvons-nous nous protéger du cyber-harcèlement ? Comment d’ailleurs avons-nous fait pour en arriver à sa telle banalisation ? Qu’est-ce que ça dit de notre société ?
On accuse celles qui dénoncent les violences de "créer une guerre des sexes". Comme si exposer l'injustice justifiait la violence en retour.
Ces "sorcières modernes" devraient-elles se taire au nom de l'harmonie ?
Réflexion personnelle : J'adore l'harmonie. Vraiment.
Mais si l'harmonie signifie :
Fermer les yeux sur les violences faites aux femmes (et à tous les innocents partout sur Terre)
Accepter le pillage de la nature.
Laisser certains s'accaparer tout, impunément.
Est-ce vraiment de l'harmonie ?
Ou est-ce un déni confortable pour celleux qui peuvent ignorer la réalité ?
L'harmonie ne devrait jamais être le silence des opprimés.
Elle devrait être la symphonie de toutes les voix, enfin écoutées.
J’en ai fait ma mission. Et c’est pour ça que j’accompagne les femmes à porter leur voix, à travers mes accompagnements 1:1 et à travers le Club de Pouvoir.
Je n’ai pas toutes les réponses, loin de là, mais j’ai à ma disposition des outils précieux, qui m’aident, qui aident les femmes que j’accompagne et qui peuvent t’aider, toi aussi, à garder ton ancrage en toutes circonstances, et à porter ta voix et la faire entendre.
La prochaine cohorte du Club de Pouvoir débute le 20 mai, pour tous les détails et pour candidater, rejoins la liste d’attente ici.
De nouveaux créneaux de coaching 1:1 se sont libérés, prends RDV et discutons de tes besoins ici.
Voilà, c’est tout pour aujourd’hui. Si tu as lu jusqu’au bout, mets-moi un coeur au bas de ce post, ça me fera très plaisir.